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Pierre Magnard,
Professeur de Philosophie à la Sorbonne,


Le vocabulaire de Pascal

Éditions Ellipses, Paris, 1997

Un extrait :

Divertissement


* L'acception agrément, amusement, distraction date du XVIIe siècle. Le mot, jusqu'alors, désignait l'action de détourner un bien dans un inventaire ou d'écarter une personne dans un partage. Pascal y voit une catégorie morale ; toute activité d'esquive, de substitution ou de compensation en relève: le divertissement consistera à préférer dans nos vies l'accessoire à l'essentiel. Partons d'un fait de société : il n'est de lieu où le divertissement, au sens ludique, ait plus de part qu'à la cour des rois ; ceux-ci sont environnés de personnes qui ont soin de prendre garde « que le roi ne soit seul et en état de penser à soi » (137). Pourtant le roi ases affaires à gérer, sa grandeur à contempler ; pourquoi lui doit-on « fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu'il n'y ait point de vide» ? On remplit ainsi sa pensée du soin de bien danser, on occupe son âme à « ajuster son pas à la cadence d'un air» au lieu de le laisser jouir en repos de sa gloire (ibid.). Ces amusements, requis de la condition royale, font la preuve d'un vide précisément, que tout l'avoir et la puissance du monde ne sauraient combler. Or si «un roi sans divertissement est un homme plein de misères» (ibid.), qu'en sera-t-il des autres hommes ?

** « Sans divertissement il n'y a point de joie ; avec le divertissement, il n'y a point de tristesse » (136). Ce principe général juge des conditions : le soldat ou le laboureur qui se plaignent de leur état, mais qui sécheraient d'ennui, si on les laissait sans rien faire ; les demi-habiles qui « suent dans leur cabinet pour montrer aux savants qu'ils ont résolu une question d'algèbre»; les ambitieux qui « s'exposent aux deniers périls pour se vanter ensuite d'une place qu'ils auront prise » (104)... Il juge aussi des situations : tel qui a perdu son fils unique, tel autre qu'accable un procès et qui n'y pensent plus maintenant que leurs chiens poursuivent un sanglier (136). Que dire de ceux qui « s'occupent à suivre une balle ou un lièvre » (39) ? De vrai, la « quête » importe plus que la « prise ». Qu'on ne parle plus de frivolité, ce jeu est tragique qui révèle un vide plus radical et plus profond, mais aussi tente de le dissimuler : « le lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort... la chasse nous en garantit» (136).

*** « La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c'est la plus grande de nos misères » (414). Nous ne voulons pas voir ce que nous sommes ; connaître notre condition pécheresse et mortelle nous abîmerait dans l'ennui, tandis que le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort » (ibid.). L'ennui cependant est une moindre misère qu'une agitation qui le trompe, car « cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d'en sortir» (ibid.). II est mauvais de sentir son néant sans le connaître, car alors on ne cherche qu'à l'esquiver, non à le combler. «L'homme est si malheureux qu'il s'ennuierait sans aucune cause d'ennui par l'état propre de sa complexion » (136). C'est ce « nœud » (131) qu’il s’agit de dénouer, en apprenant à l’homme qui il est. »


Pierre Magnard,
Le vocabulaire de Pascal, Ellipes, Paris, 2001, p. 15-17


Autres extraits :


Coeur - Finesse - Moi - Pari - Vérité