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Europe, Éducation, École

COMPTE RENDU de la Journée Europénne
organisée au lycée de Sèvres le 20 mars 2006
en collaboration
avec les partenaires eTwinning


Éduquer à l'Europe : conférence de M. Bernard Bourgeois,
Professeur à l'Université Paris I - Sorbonne, Membre de l'Institut,
Diffusée en vidéo conférence le 20 mars 2006, de 14 à 16 heures.

VIDÉO
Journées européennes à Sèvres

Peristeri
Modène
Alytus
Brno
Sèvres
Banska Bystrica

Le Club de Philosophie, lauréat du prix eTwinning d'Innovation Pédagogique, a invité Monsieur Bernard Bourgeois, philosophe et académicien, pour débattre avec ses partenaires des lycées francophones de l'Éducation à l'Europe.

Le projet de constitution européenne, le rôle de la culture, le statut de l'éducation, nationale ou européenne, ont été au coeur de sa conférence et du débat.

Les élèves de l'École Dzukija d'Alytus, en Lituanie, du Lycée classique L. A. Muratori de Modène, en Italie, du Lycée n° VII de Peristeri, en Grèce, sont intervenu en direct pour présenter leurs points de vue et poser leurs questions.
Le Gymnazium Tajovskeho de Banska Bystrica, en Slovaquie, et le Lycée Matyas Lerch de Brno, en République tchèque, ont formulé leurs questions via chat.
On trouvera ci-dessous un résumé de la conférence
et ensuite quelques extraits des questions posées par les élèves.

Résumé
L’éducation à l’Europe suppose que l’on réfléchisse d’abord sur l’Europe elle-même et que l’on pense sa dimension normative. En effet, on constate qu’aujourd’hui les peuples européens hésitent à se décider pour son unification politique, et en viennent même à donner un coup d’arrêt au projet du Traité constitutionnel. Il faut donc s’interroger sur les raisons de ces difficultés et voir si la culture ne pourrait pas réussir là où la politique semble échouer ? En outre, aucune idée n’étant aujourd’hui proposée à ce sujet, on se contente dans cette entreprise de construction européenne d’un empirisme plutôt médiocre, et cela est grave. Il nous faudrait donc une éducation à l’Europe susceptible, par son souci de la culture, de nourrir l’esprit européen et de le définir.

L’idée de l’Europe a une histoire. Celle-ci pourrait se résumer de la manière suivante : quand il y avait une idée de l’Europe, personne ne songeait à la réaliser, et quand on s’est mis à construire l’Europe, personne ne songeait à la définir. Le destin de cette idée est exprimé dans la discordance entre idée et réalité.

Certes, il y avait bien eu une tentative d’unification de l’Europe, avec Rome et son droit, avec le christianisme, avec les sciences et ses élites, mais l’idée d’une unification politique n’a fait son apparition qu’au XVIIe siècle, avec Sully. Il voulait réunir 15 États chrétiens, certes en excluant le turc, mais en traitant avec le monde musulman. Il y avait bien là une idée de l’Europe, mais on ne s’occupait pas des conditions de son édification politique.

Au XVIIIe et au XIXe siècle, l’idée européenne change de lieu : de la France, qui est un Etat-nation, elle passe dans Allemagne, qui est un pays sans Etat. Rousseau ne croit pas à la construction politique de l’Europe : je ne vois plus de Français, plus d’Anglais etc. ; il n’y a plus de patriotes ; il n’y a que des apatrides européens, dit-il. C’est en Allemagne donc, où il n’y avait pas d’État, que l’Europe sera désormais pensée. La naissance d’une nation allemande sera aussi liée à la naissance d’une nation européenne. On en appellera à la constitution d’une Europe politique fédérale, qui concilierait l’ordre et la liberté. On exaltera l’Allemagne comme étant le cœur d’une Europe fédérale.

Après 1945, l’entreprise de construction européenne repartira du noyau franco-allemand. On prendra le pool Charbon-Acier pour opérer une réconciliation franco-allemande. Seuls les intérêts économiques seront pris en compte. On en viendra même à croire que l’Europe pourrait se faire toute seule, que la communauté européenne ne pourrait que s’élargir, comme si elle naissait presque par mégarde. Or, c’était oublier que le politique ne se constitue qu’à son propre niveau, et qu’il ne peut se faire naturellement. Sa construction est beaucoup plus difficile que la construction économique, car elle exige une idée claire de l’Europe elle-même. A cet égard, il est intéressant de noter que récemment, le Parlement Européen a voté un texte pour demander aux députés de définir l’Europe. Il était temps, après 50 ans de réalisation ! Pour l’esquisser, il nous faut considérer maintenant le rapport entre l’Europe et la culture.

Kant, qui, à côté de son immense oeuvre philosophique, a fait des cours de géographie toute sa vie, observe que les Européens aiment voyager, et qu’ils voyagent pour voir. Cela signifie, dit-il, qu’ils cherchent à s’ouvrir à l’universel. Chez les Chinois, l’histoire est statique. C’est toujours la même chose ! Or, elle exige l’attention aux différences et l’effort d’identification de ces différences. C’est seulement ainsi que les hommes nouent des relations entre eux et s’identifient par-delà les différences qui les caractérisent.

En ce sens, on peut dire que l’Europe est née en Grèce, parce que la Grèce a su se donner une culture capable d’aller au-delà d’elle-même. Elle n’est pas née de simples échanges culturels, mais proprement du mélange des cultures. En Grèce, toutes les cultures se sont mélangées : l’égyptienne, la phénicienne, la perse, etc. L’Europe, c’est le continent de l’universel, et la philosophie, c’est l’ouverture à l’universel. Cela signifie que, même si la philosophie s’exprime à l’intérieur d’une culture particulière, elle doit toujours être critique à son égard et se montrer utopique et intempestive. Loin d’être un luxe, comme on dit parfois, la philosophie est un moyen de prendre de la distance par rapport aux particularismes culturels et donc de pacifier ceux-ci.

C’est cela précisément que l’on attend de l’idée de l’Europe. Elle doit être l’artisan de la paix dans le monde. Elle n’atteindra cet objectif que par l’éducation. Il n’y aura pas d’Europe politique sans éducation ! une éducation qui enseigne l’histoire européenne, les langues et la riche variété des cultures. C’est bien une éducation européenne qu’il faut à l’Europe !

Affirmer l’universel, c’est se critiquer soi-même, et il faut toujours être critique vis-à-vis de sa nation et, tout autant, vis-à-vis de l’entreprise européenne. La simple tolérance ne suffit pas, car elle n’est pas sans quelque condescendance, et elle est aléatoire. La vraie culture fait abstraction de soi, se « nie » elle-même, pour écouter les autres. C’est aussi l’attitude de la vraie laïcité, qui consiste à pouvoir faire abstraction des engagements qu’on ne renie pourtant aucunement, pour pouvoir s’accorder aux autres.

Document vidéo

Texte de l'intervention faite par les élèves de l'Ecole Dzukija d'Alytus, Lituanie :
I. Roberta. Ici le lycée Dzukija, Alytus, Lituanie. Voilà les réfléxions de 4 élèves suivies de 2 questions.
L’Union Europeenne n’a pas de de frontières très remarquables et les gens ont toutes les possibilités d’être en relations avec les habitants de tous les pays de l’UE. A côté des questions politiques et économiques, c’est la question de la culture qui commence à dominer et devient l’objet de débats.
Aujourd’hui je voudrais parler de la langue qui sert de base de chaque culture. On ne dispute plus sur la nécessité de l’anglais. Il est clair que c’est la langue commune du monde actuel, comme c’était le cas du latin autrefois. Mais la langue française est digne d’occuper aussi sa place.
Moi, je voudrais défendre la langue française. En défendant la langue française, je compte défendre une Europe plurilingue. Le monde que nous voulons, c’est un monde, où l’Europe jouera un rôle majeur. Pour que l’Europe ne verse pas dans l’anglophonie, pour que le français y conserve son importance, nous devons défendre les autres langues européennes comme l’allemand, l’espagnol, l’italien et enfin le lituanien. La force culturelle de l’Europe consiste à sauvegarder l’éthno-culture de toutes les nations européennes
Et maintenant je donne la parole à Rasa
II. Rasa. Chacun est désormais convaincu de la nécessité de l’enseignement de langues étrangères plus précoce, plus adapté et plus diversifié. Depuis quelques années, les initiatives se multiplient. Des écoles primaires offrent des initiations précoces aux langues étrangères et, hélas à l’anglais en particulier, Au niveau supérieur, plusieurs institutions réfléchissent à rendre obligatoire l’enseignement de deux langues étrangères. Cette floraison d’initiatives démontre qu’à tous les niveaux, la décision a été prise de mettre fin à la domination d’une seule langue.
Mais l’Europe a des autres inquiétudes dites inquiétudes globales. On ne peut pas oublier les immenses mutations du monde contemporain et des grandes aires de l’Europe orientale, du monde arabe et d’Asie. Est-ce qu’il faudrait apprendre les langues orientales, le chinois, l’arabe ? M.Bourgeois, permettez- moi de vous poser la question suivante : où se situe le français dans le cadre global des langues ?
C’est Estela qui continue notre intervention.
III. Estela : ma question concerne l’apprentissage des trois langues étrangères.
La grande force de la proposition des trois langues étrangères obligatoires, c’est qu’elle est totalement cohérente avec le développement du monde actuel. Ne pas insister sur l’anglais, c’est ignorer ce phénomène incontournable qu’est la mondialisation. Négliger les grandes langues européennes, c’est oublier le devoir citoyen majeur qu’est devenu le devoir d’Europe. Ne pas y ajouter une grande langue du monde, c’est ignorer que notre univers s’est élargi et que sa vraie richesse réside dans la diversité.
Je donne la parole à Zivile
IV. Zivile : Et moi, je voudrais aborder la question de l’enseignement artistique à l’école. Les travaux les plus récents montrent que l’école joue un rôle mineur dans l’accès à l’art et à la culture.
D’abord, les programmes ne font qu’une part minime aux arts qui se trouvent dévalorisés de fait. L’enseignement des arts plastiques ou de la musique occupe une place relativement secondaire. Les matières artistiques sont situées au bas de la hiérarchie scolaire, devant l’éducation physique, mais loin derrière le français ou l’anglais, les mathématiques etc. tout se passe comme si l’institution scolaire pensait que le fait d’être bien éduqué dans les domaines littéraire, scientifique, etc. conduisait naturellement à d’autres formes de culture comme le théâtre, la peinture et la musique. Je pense que c’est n’est pas bien. Les faits exposés entraînent une conclusion naturelle, à savoir que ce sont les parents qui doivent s’occuper de la culture de leurs enfants. Et l’école bat en retraite ? Nous voudrions entendre votre commentaire. Merci.
Nous rendons l’antenne au lycée de Sèvres. C’est à vous.
Lycée n° VII de Peristeri, Grèce
Emilios Politis, Professeur de français et Proviseur Adjoint

Bonjour, à vous Sèvres, Modène, Alytus, Brno, Banska Brynstica ! Pour ma part, j’aborderai le thème de « L’art comme facteur d’unification ». Les grands mouvements artistiques qui ont sillonné le « vieux continent », le style Roman, Gothique, le Baroque, le Romantisme, l’impressionnisme, le réalisme, le naturalisme, le vers libre, l’art abstrait, sont tout d’abord des états d’esprit qui trouvent leur écho dans maintes pays en dehors des pays qui les ont inaugurés. Comment se peut-il que des peuples différents adoptent avec telle facilité des styles venus d’ailleurs ? C’est une preuve à mon avis du substrat commun de l’être européen.
Mais je voudrais insister sur le fait de la libre circulation des personnes en me servant de la musique comme exemple. Nul obstacle pour Domenico Scarlatti à faire carrière en Espagne, pour Haendel en Angleterre, pour Lully (et Chopin plus tard) en France, pas de barrière de langue, de coutume, de mentalité, pas non plus d’esprit corporatiste ou le sentiment d’être étranger, intrus. L’origine, l’identité dont on parle beaucoup aujourd’hui n’avait aucune importance semble-t-il. L’éducation musicale aussi était pan-européenne. Mais ayant prononcé ma thèse je passe l’antenne à mes élèves…