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Frédéric Laupies : Éducation et liberté

Le Club de Philosophie remercie vivement Frédéric Laupies
d'avoir accepté de donner dans le cadre des Soirées Philo 2006-2007
une conférence sur Éducation et liberté.
Elle aura lieu au Centre Culturel du Colombier le 17 octobre 2006, 20h45.

Lectures conseillées pour préparer le débat : Arisote, Descartes, Hegel, Maine de Biran, Alain

Le forum des Soirées Philo : discutez du sujet ou des textes ci-dessous!

Aristote, Métaphysique A, 2, 982 b 10, trad. J. Tricot, Vrin.
C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance (c'est pourquoi même l'amour des mythes est, en quelque manière amour de la Sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que, manifestement, nous n'avons en vue, dans notre recherche, aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin.
Descartes, Traité des passions de l’âme
Art.152, Pour quelle cause on peut s’estimer
Et parce que l’une des principales parties de la sagesse est de savoir en quelle façon et pour quelle cause chacun se doit estimer ou mépriser, je tacherai ici de dire mon opinion. Je ne remarque en nous qu’une seule chose qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l’usage de notre libre arbitre, et l’empire que nous avons sur nos volontés ; car il n’y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nous puissions avec raison être loués ou blâmés ; et il nous rend en quelque façon semblable à Dieu en nous faisant maître de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu’il nous donne.
Art. 153, En quoi consiste la générosité
Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la raison.
Art. 154, Qu’elle empêche qu’on ne méprise les autres.
Ceux qui ont cette connaissance et ce sentiment d’eux- mêmes se persuadent facilement que chacun des autres hommes les peut aussi avoir de soi, parce qu’il n’y a rien en cela qui dépende d’autrui. C’est pourquoi ils ne méprisent jamais personne; et, bien qu’ils voient souvent que les autres commettent des fautes qui font paraître leur faiblesse, ils sont toutefois plus enclins à les excuser qu’à les blâmer, et à croire que c’est plutôt par manque de connaissance que par manque de bonne volonté qu’ils les commettent; et, comme ils ne pensent point être de beaucoup inférieurs à ceux qui ont plus de bien ou d’honneurs, ou même qui ont plus d’esprit, plus de savoir, plus de beauté, ou généralement qui les surpassent en quelques autres perfection aussi ne s’estiment-ils point beaucoup au-dessus de ceux qu’ils sur passent à cause que toutes ces choses leur semblent être fort peu considérables, à comparaison de la bonne volonté, pour laquelle seule ils s’estiment, et laquelle ils supposent aussi être ou du moins pouvoir être en chacun des autres hommes.
Hegel, Principes de la philosophie du droit, Introduction, §5
Sans doute l’aspect de la volonté défini ici – cette possibilité absolue de m’abstraire de toute détermination où je me trouve ou bien où je suis placé, cette fuite devant tout contenu comme devant toute restriction – est-ce à quoi la volonté se détermine. C’est ce que la représentation pose pour soi comme liberté et ce n’est ainsi que la liberté négative ou liberté de l’entendement.
C’est la liberté du vide. Elle peut se manifester sous une figure réelle et devenir une passion. Alors si elle reste simplement théorique, c’est le fanatisme religieux de la pure contemplation indoue ; si elle se tourne vers l’action, c’est en politique comme en religion, le fanatisme de la destruction de tout ordre social existant et l’excommunication de tout individu suspect de vouloir un ordre et l’anéantissement de toute organisation voulant se faire jour. Ce n’est qu’en détruisant que cette volonté négative a le sentiment de son existence. Elle pense qu’elle veut un état positif, par exemple, l’état de l’égalité universelle ou de la vie religieuse universelle, mais en fait elle n’en veut pas la réalité positive, car celle-ci introduit aussitôt un ordre quelconque, une détermination singulière aussi bien des institutions que des individus, alors que c’est en niant cette spécification et cette détermination objective, que précisément la liberté négative devient consciente de soi. Ainsi ce qu’elle croit vouloir peut n’être pour soi qu’une représentation abstraite et sa réalisation n’être qu’une furie de destruction.
Maine de Biran, Influence de l’habitude sur la faculté de penser
Nous ne pouvons guère plus cesser de percevoir quelque chose qui nous résiste, que cesser de sentir notre propre existence. L'impression d'effort est la première et la plus profonde de toutes nos habitudes ; elle subsiste pendant que les autres modifications passent et se succèdent ; elle coïncide donc avec toutes, et leur fournit une base où elles s'attachent, se fixent.
Mais l'effort suppose deux termes, ou plutôt un sujet et un terme essentiellement relatifs l'un à l'autre ; c'est bien toujours le sujet qui est modifié, mais, s'il ne faisait que sentir, il demeurerait identifié avec sa modification, et s'ignorerait lui-même ; il ne peut se connaître sans se circonscrire, sans se comparer à son terme ; c'est dans ce dernier qu'il se perçoit, qu'il se mire en quelque sorte, c'est donc là qu'il rapportera également tout ce qu'il distingue et compare.
Tel est le fondement de ce rapport d'inhérence de nos modifications plus ou moins affectives (pourvu qu'elles n'occupent pas toute la faculté de sentir) aux parties du corps qui en sont le siège et surtout des impressions indifférentes et distinctes au soutien extérieur et résistant sur lequel elles se cumulent : jugement premier et devenu si profondément habituel, qu'il ne fallait rien moins que toute la puissance de la réflexion pour s'en étonner et en interroger les causes ! ...
Nos modifications associées par simultanéité à la résistance, et transportées hors de nous, sont déjà loin, sans doute, de leur caractère simple et individuel ; comme sensations pures, elles seraient en quelque sorte isolées ou sans lien commun qui les unit ; comme qualités de l'objet, elles se groupent, se pressent autour de lui, y adhèrent avec force, et se combinent en une seule perception, représentée au dehors par l'unité résistante, de même qu'une série d'unités simples se trouve réunie et fixée par un signe unique ; et en effet, le signe naturel remplit le même office pour les sens et l'imagination, que le symbole artificiel pour la mémoire (comme nous le verrons ailleurs).Pour que la sensation se transforme en perception, il faut un premier avertissement transmis directement au centre cérébral et une réaction de ce centre pour mouvoir ou tendre l'organe, ce qui suppose que ce dernier est doué d'une certaine mobilité, que les nerfs par lesquels il sent et se meut en même temps, prennent immédiatement leur origine dans le cerveau et y aboutissent d'une certaine manière, peut-être dans un tel état de division, sans être trop pressés ou confondus dans leur cylindre, etc.
Dans ces deux actes simultanés ou rapidement successifs du même centre pour sentir et mouvoir, l'individu prend connaissance de lui-même comme moteur et sentant, comme agent et patient. Si l'action sensitive était seule, le moi serait absolument simple, il n'y aurait point de personnalité. Au contraire dans le mouvement même, il y a double impression, celle qui provient de l'action du centre sur l'organe mobile, à laquelle correspond ce que nous appelons volonté, et celle qui résulte de la réaction de l'organe sur le centre, que nous avons nommée effort. Si les phénomènes du mouvement et du sentiment dépendaient de quelque fluide, on pourrait supposer avec vraisemblance qu'au moment du passage du fluide des nerfs dans les muscles, et de la contraction de ces derniers, il se fait un changement, soit dans la combinaison chimique du fluide, soit dans sa direction et sa vitesse. Ce changement donne à l'individu la conscience d'effort, il connaît par là quelque chose qui résiste.
Alain, Les idées et les ages
Je crois voir un animal qui fuit ; tout me prouve que j’ai mal vu ; mais enfin je n’arrive pas toujours à retrouver l’apparence trompeuse, soit une feuille morte roulée par le vent, qui me fasse dire : « C’est cela même que j’ai vu, et qui n’est qu’une feuille morte roulée par le vent. » Toutefois le plus souvent je retrouve l’apparence, et c’est cela même qui est percevoir. La nuit, et ne dormant pas, j’entends ce pas de loup, si redouté des enfants. Quelqu’un marche ; il n’y a point de doute. Toutefois je doute, j’enquête ; je retrouve un léger battement de porte fermée, par la pres¬sion de l’air qui agit comme sur l’anche, mais plus lentement. Je reviens à mon premier poste, et cette fois, je retrouve mon rêve, mais je l’explique. Je crois voir une biche en arrêt ; je m’approche ; ce n’est qu’une souche d’arbre, où deux feuilles font des oreilles pendantes. Je me recule de nouveau ; de nouveau je crois voir la biche, mais en même temps, je vois ce que c’est que je croyais voir, et que c’est une souche d’arbre. En même temps je connais l’apparence, et l’objet dans l’apparence. À un degré de réflexion de plus, qui ne manque guère en l’homme percevant, et qui fait la joie et la lumière de ce monde, je m’explique l’illusion même par la disposition des objets ; ainsi je ris à ma jeunesse, je la retrouve et je la sauve. « Autrefois ou tout à l’heure je voyais ceci ou cela ; et maintenant je vois encore la même chose et c’est toujours la même chose ; je me trompais et ne me trompais point. » Apprendre se trouve ici, ou bien ne se trouve jamais. Apprendre c’est sauver l’erreur, bien apprendre, c’est la sauver toute. Le vrai astronome se plaît à voir tourner les étoiles, et n’essaie plus de ne point les voir tournant. Il ne sacrifie rien de l’apparence, et retrouve tout le rêve chaldéen. Ce mouvement de surmonter en conservant est dans la moindre de nos perceptions, et c’est ce qui la fait perception. Je sais que je vois un cube, mais en même temps je sais que ce que je vois n’a point six faces ni vingt-quatre angles droits ; en même temps je sais pourquoi. Tout cela ensemble, c’est voir un cube.
Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion
On ne se lasse pas de répéter que l'homme est bien peu de chose sur la terre, et la terre dans l'univers. Pourtant, même par son corps, l'homme est loin de n'occuper que la place minime qu'on lui octroie d'ordinaire, et dont se contentait Pascal lui-même quand il réduisait le « roseau pensant » à n'être, matériellement, qu'un roseau. Car si notre corps est la matière à laquelle notre conscience s'applique, il est coextensif à notre conscience, il comprend tout ce que nous percevons, il va jusqu'aux étoiles. Mais ce corps immense change à tout instant, et parfois radicalement, pour le plus léger déplacement d'une partie de lui-même qui en occupe le centre et qui tient dans un espace minime. Ce corps intérieur et central, relativement invariable, est toujours présent. Il n'est pas seulement présent, il est agissant : c'est par lui, et par lui seulement, que nous pouvons mouvoir d'autres parties du grand corps. Et comme l'action est ce qui compte, comme il est entendu que nous sommes là où nous agissons, on a coutume d'enfermer la conscience dans le corps minime, de négliger le corps immense. On y paraît d'ailleurs autorisé par la science, la¬quelle tient la perception extérieure pour un épiphénomène des processus intra-cérébraux qui y correspondent : tout ce qui est perçu du plus grand corps ne serait donc qu'un fantôme projeté au dehors par le plus petit. Nous avons démasqué l'illusion que cette métaphysique renferme. Si la surface de notre très petit corps organisé (organisé précisément en vue de l'action immédiate) est le lieu de nos mouvements actuels, notre très grand corps inorganique est le lieu de nos actions éventuelles et théoriquement possibles : les centres perceptifs du cerveau étant les éclaireurs et les préparateurs de ces actions éventuelles et en dessinant intérieurement le plan, tout se passe comme si nos perceptions extérieures étaient construites par notre cerveau et projetées par lui dans l'espace. Mais la vérité est tout autre, et nous sommes réellement, quoique par des parties de nous-mêmes qui varient sans cesse et où ne siègent que des actions virtuelles, dans tout ce que nous percevons. Prenons les choses de ce biais, et nous ne dirons même plus de notre corps qu'il soit perdu dans l'immensité de l'univers.
Paul Valéry, Eupalinos
Ce corps est un instrument admirable, dont je m’assure que les vivants, qui l’ont tous à leur service, n’usent pas dans sa plénitude. Ils n’en tirent que du plaisir, de la douleur, des actes indispensables, comme de vivre. Tantôt ils se confondent avec lui ; tantôt ils oublient quelque temps son existence ; et tantôt brutes, tantôt purs esprits, ils ignorent quelles liaisons universelles ils contiennent, et de quelle substance prodigieuse ils sont faits. Par elle cependant, ils participent de ce qu’ils voient et de ce qu’ils touchent : ils sont pierres, ils sont arbres ; ils échangent des contacts et des souffles avec la matière qui les englobe. Ils touchent, ils sont touchés, ils pèsent et soulèvent des poids ; ils se meuvent et transportent leurs vertus et leurs vices ; et quand ils tombent dans la rêverie, ou dans le sommeil indéfini, ils reproduisent la nature des eaux, ils se font sables et nuées … Dans d’autres occasions, ils accumulent et projettent la foudre !... […]
« O mon corps, qui me rappelez à tout moment ce tempérament mes tendances, cet équilibre de vos organes, ces justes proportions de vos parties, qui vous font être et vous rétablir au sein des choses mouvantes ; prenez garde à mon ouvrage ; enseignez moi sourdement les exigences de la nature, et me communiquez ce grand art dont vous êtes doué, comme vous en êtes fait, de survivre aux saisons et de vous reprendre des hasards. Donnez-moi de trouver dans votre alliance le sentiment des choses vraies ; modérez, renforcez, assurez mes pensées. Tout périssable que êtes, vous l’êtes bien moins que mes songes. Vous durez un peu plus qu’une fantaisie ; vous payez pour mes actes, et vous expiez pour mes erreurs : instrument vivant de la vie, vous êtes à chacun de nous l’unique objet qui se compare à l’univers. La sphère tout entière vous a toujours pour centre ; ô chose réciproque de l’attention de tout le ciel étoilé ! Vous êtes bien la mesure du monde, dont mon âme ne me présente que le dehors
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