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LUDWIG FEUERBACH (1804 - 1872)

Notice établie par Didier Guimbail,
Professeur au Lycée Sonia Delaunay, Villepreux

Feuerbach est né en Bavière, dans une famille dont le père était un juriste de renom. Après des études à Heidelberg, il vint à Berlin où sa rencontre avec l’enseignement de Hegel fut décisive. Il lui adressa en 1828 sa dissertation d’habilitation sur l’unité, l’universalité et l’infinité de la raison, qui lui valut d’être nommé professeur privé à l’Université d’Erlangen de 1829 à 1832. Ses Pensées sur la mort et l’immortalité (1830) firent scandale par leur critique appuyée de la croyance en l’immortalité personnelle. Les conséquences furent lourdes. Feuerbach ne put jamais accéder à une chaire de professeur et vécut en « philosophe campagnard » grâce aux revenus d’une manufacture appartenant à sa femme. Engels s’indignera du traitement infligé par une société mesquine et policière à un penseur qui surpassait « de cent coudées » tous ceux de sa génération. (Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande). Les années 1839-1845 concentrent l’essentiel de sa production. Il publie une suite d’opuscules qui radicalisent sa critique de Hegel en jetant les bases d’une anthropologie philosophique. Son ouvrage le plus célèbre, l’Essence du christianisme, (1841) provoqua l’adhésion enthousiaste des jeunes hégéliens de gauche, parmi lesquels Marx et Engels, mais Feuerbach ne s’engagea pas dans l’action politique. Son intérêt primordial pour la religion ne l’empêcha pas de donner à sa pensée une tournure naturaliste car il distingue religion et théologie. Alors que celle-ci est toujours une construction intellectuelle trompeuse, celle-là exprime, si on sait l’entendre, l’humanité de l’homme sensible et mortel dans le langage du cœur et de l’amour. Il est donc impossible d’isoler ce naturalisme d’une certaine forme de spiritualité. Certaines déclarations : « L’homme est ce qu’il mange » (Sciences naturelles et révolution 1850) ainsi que le refus permanent d’admettre l’existence d’un autre monde, valurent à Feuerbach d’être rangé dans le camp du matérialisme. En 1939, un monument lui fut érigé à Nuremberg. On y lisait deux inscriptions : « Fais le Bien pour l’amour de l’homme » et « L’homme créa Dieu à son image. » Les nazis le détruisirent deux ans plus tard.

Feuerbach est généralement considéré comme le lien essentiel entre Hegel et Marx, qui se réclama de ses idées avant de lui reprocher les insuffisances de son matérialisme, comme l’attestent notamment les fameuses Thèses sur Feuerbach. Cette place est remarquable puisqu’elle le situe entre la cime de l’idéalisme allemand et ce qui voulut être sa négation radicale. La particularité de cette position tient à l’ambition propre à cette pensée. Feuerbach entend fonder une philosophie de l’homme contre l’idéalisme hégélien accusé d’être une théologie déguisée. Il conçoit l’histoire de la philosophie comme une longue suite de contradictions dues à l’incapacité à déterminer la vraie relation entre la sensibilité et la raison, le fini et l’infini. La dissipation des illusions créées par un usage inadéquat de l’abstraction intellectuelle doit permettre de faire apparaître la figure de l’homme : « La philosophie nouvelle est la résolution complète, absolue, non contradictoire de la théologie en anthropologie » (Principes de la philosophie de l’avenir § 52). Cette tâche implique que soit enfin reconnue « la part de l’homme qui ne philosophe pas » (Thèses provisoires pour la réforme de la philosophie § 45). Feuerbach promeut ainsi une philosophie de l’intuition sensible tournée contre les représentations de l’entendement, et, plus profondément, fait appel au cœur comme au principe constitutif de l’humanité de l’homme. Les sens sont « athées de naissance » car ils ne croient qu’aux réalités singulières éprouvées dans un contact charnel. Cette intuition est l’organe du cœur, - « principe purement antithéologique. » C’est en son nom que Feuerbach développe une morale de l’amour fondée sur la communion avec la souffrance d’autrui. L’empathie entre êtres finis, mortels, réels parce qu’incarnés, est le vrai sens de la religion. Le reste n’est que fuite dans l’irréalité de la spéculation.

L’Essence du christianisme est sans conteste l’œuvre fondamentale, celle qui conduisit Engels à écrire que « nous fûmes tous momentanément des feuerbachiens ». Elle met méthodiquement en œuvre le programme de dissolution de la théologie dans l’anthropologie. Les mystères chrétiens,- l’incarnation, la trinité, la création providentielle etc.. – sont résolus comme étant des créations humaines qui s’ignorent. La thèse centrale de Feuerbach est célèbre. L’Être divin n’est que l’essence humaine objectivée. L’homme, parce qu’il est conscient, est le seul vivant capable de se représenter son genre. Cependant, il accomplit cette opération sans s’en rendre compte, ce qui le mène à croire qu’il a découvert l’existence d’un autre être que lui. La critique consiste donc à dévoiler que « quoiqu’il nomme ou exprime, l’homme n’exprime jamais que sa propre essence. » (Thèses provisoires § 62). La croyance en Dieu est le signe d’une pensée aliénée, prisonnière de ses propres créations : « Dieu n’est que l’intérieur de l’homme révélé. » (Essence du christianisme, Introduction). Il faut donc que l’homme cesse de croire qu’il n’existe que par rapport à un Être transcendant et découvre qu’il est la valeur suprême. Ainsi apparaîtra ce qui fut si longtemps ignoré : « Selon le langage le nom d’homme est bien un nom particulier, mais selon la vérité il est le nom de tous les noms. » ( Thèses provisoires pour la réforme de la philosophie § 62.)

Œuvres principales
Pensées sur la mort et l’immortalité. Ed du Cerf.
Manifestes philosophiques. Textes choisis. (1839-1845) P.U.F. Coll. Epiméthée.
L’essence du christianisme. Maspero ; rééd Tel-Gallimard.

Didier Guimbail

Lire : de Didier Guimabil ,
Feuerbach : Sens et problèmes d’une anthropologie philosophique (PDF, 380 Ko)
Une difficulté de l'anthropologie philosophique :le concept de genre chez Feuerbach, (PDF, 211 Ko)
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