DIALOGUE


Thèmes et textes
Forums de discussion

NOUVEAUTES




Réalisations multimédia Porte-documents
Informations et projets
Europe Education Ecole

BIBLIOTHEQUE




Textes en ligne, Livres à lire
Dictionnaire du club
Galerie de portraits
Sélection de liens

LE CLUB PHILO

Qui sommes-nous ?
club.philo@free.fr

Retour à Pascal

Pierre Magnard,
Professeur de Philosophie à la Sorbonne,


Le vocabulaire de Pascal

Éditions Ellipses, Paris, 1997

La vérité

* Ce n'est pas en théoricien de la connaissance comme Platon ou Aristote mais en moraliste à la manière de Nietzsche que Pascal posele problème de la vérité. Aussi de celle-ci ne cherche-t-il pas à donner une définition, s'attachant plutôt à en juer selon sa valeur de vie, c'est-à-dire selon son importance pour le salut : "Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles et dépendantes d'une première vérité en qui elles subsistent et qu'on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour son salut" (449). Lorsqu'invoquant le modèle perspectif, Pascal se demande qui "dans la vérité...assignera...le point indivisible qui (est) le véritable lieu" (21), il ne pense pas en théoricien de la connaissance en quête du point du point de vue auquel s'ordonne la représentation, mais en homme de foi en quête d'un autre regard sur la réalité de l'existence. Il s'agit, bien sûr, de cette "pensée de derrière" (91), à laquelle s'élève celui qui prend assez de hauteur pour voir la diversité des opinions se disposer en "gradation" selon la "raison des effets" (90).

**Prendre de la hauteur suppose un suffisant détachement ; l'intérêt en effet toujours s'interpose entre l'homme et la vérité. Une vérité intéressée est partiale, sinon compromise avec l'erreur ; une vérité intéressante est déjà suspecte : "Les malins sont gens qui connaissent la vérité, mais qui ne la soutiennent qu'autant que leur intérêt s'y rencontre... Hors de là, ils l'abandonnent" (740). Il faut aimer la vérité pour elle-même et non pour ce qu'elle nous agrée. Qu'elle vienne à nous déranger, nous l'avons en "aversion" (978) : "N'est-il pas vrai que nous haïssons la vérité et ceux qui nous la disent et que nous aimons qu'ils nous trompent à notre avantage?" (ibid.). Déjà, dans l'Art de persuader, Pascal distinguait "deux entrées par où les opinions sont reçues dans l'âme", l'entendement et la volonté, expliquant ce dernier terme en disant "qu'on n'entre dans la vérité que par la charité" (Laf. p. 355 A). C'était faire de la volonté l'organe de l'amour. Aimer la vérité pour la connaître n'est pas tant reconnaître à l'amour une valeur théorique, a fortiori en faire une faculté cognitive, mais poser que si on ne place pas la vérité au-dessus de tout intérêt propre, on en vient à la corconvenir, à la déformer et même à la trahir. Il en est ainsi des "vérités divines", dont Dieu a voulu "qu'elles entrent du coeur dans l'esprit et non pas de l'esprit dans le coeur" (ibid.). Il faut donc "les aimer pour les connaître".

***Il ne faut pas prétendre se faire juge de la vérité, car qui en jugee alors si ce n'est "l'amour-propre" (978). Suivent "superstition et concupiscence", qui inspirent la "mauvaise crainte" non que Dieu se soit pas, mais précisément qu'il soit, parce qu'on n'a pas eu foi en lui (908). L'homme en vient alors à connaître une vérité à sa mesure : "On se fait une idole de la vérité même, car la vérité hors de la charité n'est pas Dieu, et son image est une idole qu'il ne faut point aimer ni adorer" (926). Qu'aimons-nous et qu'adorons-nous en effet dans cette idole sinon nous-mêmes?"

Pierre Magnard,
Le vocabulaire de Pascal, Éditions Ellipses 2001, pp.56-57



Autres extraits :

Coeur - Divertissement - Finesse - Moi - Pari