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Elisabetta Imperato, Professeur de philosophie,
Raffaella Lodi,
professeur de français,
Lycée classique L. A. Muratori , Modène, Italie

LE FORUM DE LA PHILOSOPHIE
Réflexions sur le thème : « L’identité culturelle européenne»

Référents : Professeur Paolo Nardiello
Professeur de la classe 2C impliquée dans cette initiative : Elisabetta Imperato
Etudiantes participantes : Anna Cantini, Alessandra Piani

Traduction : Raffaella Lodi et Murielle Goby
Année scolaire 2004/2005

"Le concept d’identité a subi dans l’histoire des idées un glissement significatif de la sémantique. Le binôme identité/coïncidence, théorisé par Platon et Aristote, est une constante de la pensée classique et médiévale. Dans cette optique, le terme identité est synonyme de cohérence, de conformité et de correspondance et est toujours lié à la thématique de l’ontologie et de la gnoséologie. À l’âge moderne, Hegel a enrichi le concept d’identité en le décrivant comme la résultante d’un processus d’auto-conscience de l’esprit absolu, tout en restant sur la même ligne de pensée qu’Aristote. L’identité est toujours vue dans le sens de coïncidence, mais au niveau de la synthèse des éléments différents et opposés (thèse et antithèse). La pensée philosophique contemporaine, dans sa richesse et sa spécificité, offre une idée alternative de l’identité, qui incorpore le sens de l’altérité, du dialogue, de la confrontation, de l’ouverture, de la cohabitation et du partage, mais aussi le sens de la problématique et du conflit. E. Lévinas a parlé par exemple d’une identité, qui se structure dans la forme de l’altérité et L. Irigaray a décrit le JE comme relation, dialogue et ouverture.

Dans le milieu de la psychologie et psychiatrie analytique, S. Freud a représenté la personnalité comme un équilibre instable de l’inconscient, alors que E. Berne a parlé du JE comme une cohabitation de plusieurs dimensions (adulte, parent, enfant). Dans la perspective contemporaine, l’identité n’est pas l’homologation, dans le sens classique et médiévale du terme, ni la synthèse qui regroupe dans une unité supérieure et indifférente les postulats de départ, mais c’est la convergence d’éléments constitutifs définis comme irréfutables et représentatifs.

Nous croyons qu’une identité culturelle européenne, vue dans l’optique classique d’Aristote, risque une importante forme d’homologation et d’aplatissement des différentes réalités locales. De la même manière, nous réfutons d’interpréter dans la perspective de Hegel la proposition d’une identité culturelle européenne, puisqu’il suggère de nier la simple réalité territoriale au nom d’une synthèse supérieure qui dépasse et réfute l’identité spécifique des pays.

On peut parler d’identité culturelle européenne en intégrant au concept d’identité, vu comme une convergence, tous les aspects qui contribuent à offrir une représentation ouverte, ainsi que la problématique d’un complexe de connaissances et de comportements typiques d’un peuple. Dans cette perspective, il existe une manière unique et particulière de ressentir et de faire des expériences soi-même, des autres et du monde, qui distingue l’homme européen et qui justifie sa diversité.

En appliquant à ce sens le concept d’identité culturelle à la dimension européenne, nous avons découvert que les éléments de convergence entre les différentes réalités politiques européennes se font dans le temps avec les dimensions du passé, présent et futur.

Dans les dimensions du présent : les différentes expériences historiques, sociales et culturelles des pays de la communauté Européenne convergent vers les éléments suivants : modèle économique, tutelle des droits de l’homme, capacité d’assimilation fonctionnelle, imaginaire historique, vision du monde projeté en avant, ouvert au progrès, à la recherche, à la compréhension du réel, curiosité et intérêt pour les autres phénomènes culturels, tendance à l’unité et au dialogue, à l’ouverture et à la tolérance, capacité de repenser de manière critique les conduites et expériences vécues.

Dans les dimensions du passé : il existe une matrice historique commune aux différents Etats européens, qui justifie leur appartenance actuelle au même « milieu culturel », en particulier l’héritage hellénistique, et qui a offert une contribution importante à la formulation de l’identité culturelle européenne. Le sentiment irréfutable de cet apport de la Grèce est certainement l’humanisme qui s’est affirmé avec force. Cet humanisme qui se manifeste dans le célèbre écrit de Protagoras d’Abdère « l’homme est la mesure de toutes choses ». Mais cet héritage est surtout significatif pour avoir marqué le passage de l’oralité à l’écriture, de la pensée par images et par mythes à la pensée conceptuelle, et c’est pourquoi la Grèce doit être considérée comme le berceau de la culture occidentale et plus spécifiquement européenne. Cette attitude qui consiste à se questionner « Qu’est ce que c’est ? » ( Socrate ) et l’idée de connaître est significative et développe rationnellement les concepts ( Socrate, Platon, Aristote ) représentant la genèse de la pensée philosophique. En outre, l’européen doit l’homme grec une partie de son imaginaire mental, dans le sens que grâce à l’expérience hellénistique, il a intégré les idées de réalité suprasensible et intelligible ( Platon ), de bonheur comme recherche de la connaissance, les idées de fin, de réalité, de relation entre le tout et ses parties ( Pythagore ) et d’autres encore.

La tradition hébraïque a développé la réflexion sur l’histoire, en la considérant dans son milieu existentiel des choix humains. On parle d’une histoire non cyclique, comme dans la conception classique, mais progressive.

Les racines chrétiennes ont représenté le terrain sur lequel on a construit pendant des siècles l’identité européenne. Sans oublier les schismes sanglants, les guerres de religion, les buchers faits par les catholiques et par les protestants, les condamnations de la connaissance scientifique, les croisades, le sac de Constantinople, on peut soutenir que le christianisme a jeté les bases pour une synthèse culturelle entre le monde ancien et la tradition latine, d’où naitra la culture occidentale et a contribué à protéger le patrimoine culturel du monde classique. Le christianisme a aussi éduqué la sensibilité de l’homme européen (valeurs, attention pour la pauvreté et les souffrances…..), il a enrichi l’imaginaire de l’homme européen (idée d’infini, d’éternité, de liberté, de responsabilité ). Il a aussi favorisé, alimenté et diffusé le binome connaissance-bonheur à la lumière de la tension fides et ratio, il a diffusé l’attitude à repenser d’une façon critique les conduites morales, il a formulé le concept d’homme comme personne placée par nature en relation avec les autres et ouverte à la transcendance, considérée dans sa profonde liberté et responsabilité.

La culture romaine a contribué à l’unité géographique et linguistique de l’Europe et a transmis l’attitude à l’éclectisme qui constitue un aspect important de l’identité culturelle européenne.

L’Humanisme et la Renaissance ont reformulé la position centrale de l’homme par rapport à la réalité, en soulignant la primauté de la dignité de la personne humaine.

La Révolution scientifique a contribué à redéfinir le rapport entre homme et nature, renforçant l’attitude de l’homme européen à penser la réalité comme ordre objectif de causes.

Le Siècle des Lumières a souligné l’importance des droits de l’homme et a jeté les bases de la démocratie moderne.

Dans la dimension du futur, les Etats européens partagent l’engagement envers trois directions: la cohésion, entendue à valoriser la diversité en tant que richesse commune et pas comme séparation, la participation démocratique de tous les citoyens européens à la construction d’un sentiment collectif, l’identité d’une réalité politique, pas renfermée et protégée, mais ouverte sur le monde et capable de faire face aux grands défis de notre temps.

En parlant d’identité culturelle, on ne peut pas renoncer à souligner comment le concept de culture a une structure dynamique. La culture n’est pas un élément a priori que les différentes communautés appliquent à leurs conduites. L’appartenance culturelle va construite et dans ce but il nous semble significatif la contribution que l’engagement philosophique peut offrir à renforcer l’imaginaire collectif des Européens.

Il s’agit de promouvoir et conduire une attitude sérieuse sur les racines de l’esprit européen et de démontrer que l’Europe doit être vécue comme une destinée commune , un chantier ouvert. Il s’agit d’indiquer aussi tous les chemins capables de créer au niveau culturel un sens d’identité et d’appartenance plus enraciné dans les citoyens européens. Il s’agit enfin de créer les instruments pour récupérer le manque de proportion entre l’Europe des valeurs et l’Europe de l’Euro, entre l’Europe politique et l’Europe de l’économie.Une Europe ouverte et problématique, tolérante et disponible au dialogue, est vouée à avoir un rôle décisif dans le contexte mondial, en se proposant comme médiatrice et interprète des défis présents et futurs et dénonciatrice des risques implicites dans une réalité globalisée. Le fait de vivre dans une dimension de village global, en effet, signifie opportunité d’échanges et de rencontre mais aussi équilibres précaires et conflits.

Dans la mesure, où l’Europe, récupérant le sens de son histoire et repensant ses racines culturelles réussira à se proposer comme une réalité politique cohérente et unitaire, elle aura un rôle décisionnel remarquable pour déterminer des équilibres géopolitiques plus stables et pourra offrir une alternative valable à la dérive capitaliste des dernières années qui augmente l’écart entre pauvreté et richesse.

L’engagement écologique est un autre grand défi que l’Europe doit pouvoir gérer dans la limite d’un développement soutenable en tenant compte des ressources et de leurs possibilités de renouvellement.

Il faut aussi considérer le progrès des technologies qui risque de créer de la marginalisation, une forme d’individualisme importante, si il n’est pas bien géré. Même sur les thèmes de nature bioéthique, l’engagement collectif doit être inspiré à la tutelle des droits de l’homme et au respect de la personne.

Il ne s’agit naturellement, pour l’Europe du nouveau millénaire, ni d’offrir des solutions faciles, ni de se donner des roles de guide et de suprématie par rapport à la complexité et à la problématique des politiques en cours, mais d’indiquer des parcours possibles dans le but d’un bien être partagé en dénonçant les injustices et les abus de pouvoirs décisionnels, en soulignant la primauté des valeurs et de la vraie politique par rapport à la productivité et de la compétitivité."


Repères bibliographiques:
E. MORIN, Pensare l’Europa, traduzione italiana di R. BERTOLAZZI, Feltrinelli, Milano 1988
G. REALE, Radici culturali e spirituali dell’Europa, Raffaello Cortina Editore, Milano 2003
H. G. GADAMER, L’eredità dell’Europa, traduzione italiana di F. CUNIBERTO, Einaudi, Torino 1991
J. PATOCKA, Platone e l’Europa, traduzione italiana di M. CAJTHAML e G. GIRGENTI, Vita e Pensiero, Milano 1997
L. IRIGARAY, La democrazia comincia a due, Bollati Boringhieri, Torino 1994.

Elisabetta Imperato, professeur de philosophie,
Traduction : Raffaella Lodi et Murielle Goby

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