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Mon enfant dors...
 

Mon enfant dors, il est trop tôt,
Les étoiles pointent encor
De leur doigt pur comme ta peau
Les marchands de sable et de sort.

Maman pourquoi s'en vont les hommes,
Est-ce la fatigue ou la peur?
Se jettent-ils tous dans la Somme,
Ou papa t'as quittée sans pleurs?

Mon enfant, dors, il est trop tard
Pour parler de ce qui est mort,
C'est comme une fleur un départ
Elle brille, on pleure, elle s'endort.

Non maman moi je crois qu'elle meurt;
Mais, dis, pourquoi le vent l'arrache?
Le vent qui souffle est il un tueur,
Tueur de rêves quand il se fâche?

Mon enfant, dors, comme ta soeur
Qui t'admire au matin, au soir
Le temps qui passe est un sculpteur,
Est éternel comme l'espoir.

Il est éternel comme Dieu?
Mais lui, je ne le connais pas;
C'est le roi des anges au cieux?
Un cauchemar sans voeux ni foi?

Mon enfant, dors, tes yeux sont d'or,
Un jour d'eux ne sera que bois,
De ce bois sec, comme la mort,
Comme ta mère quand elle boit.

Mais on m'a dit qu'après la mort
Il y a les rêves, les rires;
On danse tous, les choéphores
Chassent nos larmes par navires.

Mon enfant, ris, car Dieu est mort;
Il ne m'est que le vin et toi,
Mes cauchemars pour seuls décors;
Rêve rêve et chante pour moi.

Maman tu m'as dit que chanter
Était simple comme t'aimer,
Mais je ne peux qu'hurler sans foi
Des refrains plus mornes que toi!

Mon enfant, aime le silence,
Ce soir encor, au moins, crois moi.
Pas de larmes, pas de souffrances,
Demain tu hurleras d'effroi.

Maman, tu pleures, et tes yeux d'août
Sont rouges comme des cerises.
Mais tes joues sont blanches, si grises,
Que tu sembles être l'hiver fou!

Mon enfant, ne panse pas
Les plaies béantes, les cratères,
Les torrents de larmes, les fers
De ta mère, oh ne panse pas!

Penser à quoi, dis-moi, maman?
Moi je ne pense rien qu'à toi.
Je ne sais pas ce qu'est le vent,
Pourquoi le soleil brille, et toi.

Mon enfant, il viendra le jour
Où tu comprendras tout, crois-moi;
Toutes les rides, mes yeux durs,
Et le vent, la pluie, et ma voix.

J'ai vu un matin que les pleurs
Donnaient les larmes et que les larmes
Arrosaient les rires, les fleurs,
Les pleurs sont paix, larmes vacarme.

Non, les pleurs sont comme des pierres
Jetées, ou bien comme une corde.
Adieu mon fils, tes yeux se ferrent
Aux miens qui s'éteindront ce soir.

* * *
L'enfant qui rêvait cette nuit bien trop sombre
Y vit sa mère en un jardin fâné,
Égarant sa silhouette usée dans la pénombre,
Disparaissant dans le brouillard épais.

François Bompaire

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