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Pierre Magnard,
Professeur de Philosophie à la Sorbonne,


Le vocabulaire de Pascal

Éditions Ellipses, Paris, 1997

Un extrait :
Finesse

* S'entend dès le XVe siècle, au double sens objectif et subjectif, pour désigner tant les choses d'une extrême délicatesse de forme ou de matière, que l'aptitude des sens ou de l'entendement à les discerner. Ce qui est fin sera dit délié ou délicat et, quand il devient à peine perceptible, subtil. Parallèlement, on parlera d'esprit fin ou délicat ou de subtilité mentale pour caractériser une aptitude à discerner les différences ou les rapports que le commun des mortels ne discerne pas. Au XVe siècle, on met l'accent sur la pénétration de l'intuition, en parlant de sagacité, et sur la distinction des nuances, en célébrant la perspicacité. Cette terminologie variée témoigne du souci de l'homme d'abaisser le seuil de l'infime, jusqu'à atteindre aux principes derniers de toutes choses. Renouant avec la tradition de l'acies mentis, qui prêtait a l'esprit une touche si acérée, qu'il pouvait atteindre au secret même des choses, Jérôme Cardan avait érigé la « subtilité » en mode d'accès a ce que les sens ne perçoivent plus que difficilement et a ce que l'entendement ne peut plus appréhender.

** On conçoit qu'une telle approche intéresse la physique. mais aussi la mathématique et même la psychologie. Ainsi l'expression « esprit de finesse » apparaît au coeur des débats entre Pascal et le chevalier de Méré, tant sur les choses de l'amour que sur les êtres mathématiques, comme en témoigne leur correspondance. Pascal relève avec étonnement l'incapacité du chevalier d'admettre la divisibilité à l'infini. Ce n'est pourtant pas la perspicacité qui semble manquer a ce parfait « honnête homme », dont on connaît les recommandations : « II faut observer tout ce qui se passe dans le coeur et l'esprit des personnes qu'on entretient et s'accoutumer de bonne heure à connaître les sentiments et les pensées par des signes presque imperceptibles... Il faut avoir l'esprit bien pénétrant pour découvrir la manière la plus conforme aux gens qu'on fréquente». Comment se peut-il faire que ce perspicace dans les choses du coeur ait la vue aussi courte en mathématiques ?

*** C'est à ce propos qu'intervient, chez Pascal, la fameuse distinction entre «esprit de finesse » et « esprit de géométrie », non que l'un et l'autre s'opposent, mais ils ne se distinguent que pour interférer. Un premier texte De l'esprit géométrique met en oeuvre cet «esprit de netteté », indispensable à qui voudrait tout définir et tout démontrer; mais si Méré est déjà visé en ce traité, la réponse la plus élaborée est donnée par le fragment 512. Si pour le géomètre les principes sont « palpables », ils sont « éloignés de l'usage commun » ; pour l'esprit de finesse en revanche les principes sont « devant les yeux de tout le monde », mais ils sont « si déliés et en si grand nombre », qu'il faut avoir « la vue bien nette » pour les voir tous et « l'esprit juste pour ne pas raisonner faussement ». Or il faut constater que « les géomètres se perdent dans les choses de la finesse où les principes ne se laissent pas manier» et que les fins se laissent rebuter parce qu'ils ne sont point accoutumés de procéder par art, définitions et progrès de raisonnements. On conçoit qu'hors les choses de la vie, les fins qui ne sont que fins soient en difficulté : « ils ne peuvent en effet avoir la patience de descendre jusques dans les premiers principes des choses spéculatives et d'imagination, qu'ils n'ont jamais vus dans le monde et (qui sont) tout à fait hors d'usage ».

Pierre Magnard
Le vocabulaire de Pascal, pp.20-21


Autres extraits :

Coeur - Divertissement - Moi - Pari - Vérité