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Jean
WAHL,
Esquisse pour une histoire de "l'existentialisme",
L'Arche Éditeur, 2001, collection Tête-à-tête,
64 pages
86, rue Bonaparte, 75006 Paris
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Esquisse pour une histoire
de "l'existentialisme" est le premier livre paru
à L'Arche. C'était en 1949, quand L'Arche débutait
avec une collection qui tentait de rendre familiers à un
large public des domaines qui, à l'époque, étaient
surtout le lot des spécialistes : la psychanalyse, la philosophie,
l'esthétique, etc.
Le livre est depuis de longues années épuisé
et recherché par ceux qui veulent s'instruire sur le phénomène
de l'existentialisme, un courant philosophique qui aujourd'hui semble
presque imperceptible dans le discours politique et social mais
qui, par la négation de la métaphysique et par le
fait de mettre l'homme au centre de sa réflexion est l'une
des strates sur lesquelles sont construites nos sociétés
occidentales.
Jean Wahl (1888-1974) est un penseur sans doctrine.
Dans tous ses ouvrages, il n'a cessé d'affirmer sa méfiance
à l'égard des systèmes. Ce qui le rend d'autant
plus à même de décrire et d'analyser la multiplicité
du "concret", la complexité du "vécu".
L'Arche Éditeur
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Lire un extrait, p. 9-11 :
"L'autre jour, en sortant du Café de Flore, j'ai rencontré
une bande d'étudiants; l'un d'eux s'est détaché
et a dit : « Sûrement, Monsieur est existentialiste
»; et j'ai dit : « Non ». Pourquoi ai-je dit non?
Je n'ai pas pris le temps de réfléchir, mais j'ai
pensé sans doute que les mots en « iste » recouvrent
ordinairement de vagues généralités.
Cette question de l'existentialisme, elle occupe New York - d'où
je viens - comme Paris. Sartre a écrit dans Vogue
un article; Mademoiselle, le journal des jeunes filles
de dix-sept ans, me dit un ami, a consacré un article à
la littérature existentialiste; d'autre part, Marvin Farber
a écrit dans sa revue que Heidegger constitue un danger international.
L'existentialisme est devenu, non seulement un problème européen,
mais un problème mondial.
La première difficulté devant laquelle nous nous trouvons,
c'est celle qui vient du fait qu'on ne peut définir d'une
façon satisfaisante le terme «existentialisme».
Le mot « existence », dans le sens philosophique qu'il
a aujourd'hui, a été employé pour la première
fois, a été découvert par Kierkegaard. Mais
peut-on appeler Kierkegaard un existentialiste? II ne veut pas être
un philosophe, et surtout un philosophe d'une doctrine déterminée,
Heidegger a parlé dans un de ses cours contre ce qu'il appelle
«l'existentialisme». Jaspers a affirmé que l'existentialisme
est la mort de la philosophie de l'existence. De sorte que nous
serions amenés à restreindre le terme à ceux
qui veulent bien l'accepter, à ce que nous pourrions appeler
l'École Philosophique de Paris, avec Sartre, Simone de Beauvoir,
Merleau-Ponty. Mais cela ne nous donne pas une définition
du terme.
Une deuxième difficulté consiste en ce paradoxe que
la façon dont on parle aujourd'hui de l'existentialisme
– dont presque tout le monde parle de lui - fait partie de
ce que Heidegger appelle le domaine de « l'inauthentique».
On parle de l'existentialisme; c'est précisément ce
que Heidegger, et certainement Sartre aussi voudraient éviter,
puisqu'il s'agit ici de questions qui ne peuvent pas être
à proprement parler des sujets de discours, mais qui doivent
être laissées à la méditation solitaire.
Et c'est pourtant un fait que nous nous réunissons aujourd'hui
pour en discuter en commun."
Jean
WAHL,
Esquisse pour une histoire
de "l'existentialisme",
L'Arche
Éditeur, 2001, collection Tête-à-tête,
p. 9-11
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