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Sujets de réflexion :
- L'espace, note de Philippe Fontaine
- De la perspective : esthétique et politique, par Philippe Fontaine

L'espace : note de Philippe Fontaine


Depuis Kant, l'espace est considéré comme la "forme" de la perception : tout ce qui se donne à nous dans la perception sensible externe se présente en effet au sein d'une expérience nécessairement spatiale. C'est pourquoi Kant fait de l'espace ce qu'il appelle une "forme a priori de la sensibilité" : a priori dénote le caractère nécessaire, indépendant de l'apport de toute expérience sensible, de tout ce qui se donne à nous dans notre expérience quotidienne. L'espace est "avant" toute expérience, au sens où il ne peut pas être dérivé de l'expérience (même chez l'enfant, l'espace n'est pas une notion qui apparaît peu à peu grâce à l'apprentissage que l'enfant fait du monde concret), mais où il rend possible l'expérience. L'espace est la condition de possibilité de l'expérience. Si je ne possédais pas, pour ainsi dire mentalement, la "forme" de l'espace, je n'aurais, à en croire Kant, aucune expérience, ce qui veut dire que je me trouverais confronté, non à un monde ordonné et structuré, constitué d'objets et de choses, de paysages, d'autres êtres humains, d'animaux, d'outils, d'objets culturels, de maisons, etc, mais à un chaos, comme on peut le vérifier dans les psychoses entraînant une déstructuration de la personnalité psychique (autisme, schizophrénie, paranoïa, etc).

Mais une description de l'espace sous les auspices de la phénoménologie (Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty ) fait apparaître l'insuffisance de l'analyse kantienne dont l'"idéalisme" ne permet pas de rendre compte de notre expérience concrète de l'espace. Comme le montre Merleau-Ponty dans le chapitre de la Phénoménologie de la perception consacré à l'espace , celui-ci est moins une structure idéale de l'esprit humain que l'expression de mon corps (car, en tant que sujet percevant un espace, je ne suis pas un pur esprit, mais un être corporel) en tant qu'il est le moyen concret de mon insertion dans le monde phénoménal.

Magritte : "Le blanc-seing"
René Magritte :
"Le blanc-seing"

C'est en effet en référence au corps que les caractéristiques essentielles de l'expérience spatiale qui est la nôtre se laissent comprendre : ainsi, l'orientation de mon expérience (le fait que toute réalité perçue par moi le soit "en haut", "en bas", "à droite", "à gauche", "devant", "derrière", etc) ne peut s'expliquer que parce que c'est mon corps qui, en tant que système synergique (moyen d'action dans le monde, opérateur de ma praxis ) définit le niveau à partir duquel l'ensemble de ma perception est orientée. Ce qui importe pour l'orientation du spectacle, c'est, dit Merleau-Ponty, "mon corps comme système d'actions possibles" (op. cit. p.289). Précisons qu'il ne s'agit pas ici du corps comme chose étendue dans l'espace, c'est-à-dire comme res extensa (Körper), mais le corps comme "corps propre", ce que Merleau-ponty appelle le "corps-sujet", ou, dans sa dernière ontologie (Le Visible et l'invisible ) la chair ; l'orientation de notre expérience est donc irréductible, parce que nous sommes toujours nécessairement à l'oeuvre dans un monde . L'orientation spatiale est l'envers de notre inscription dans un monde où nous nous projetons sur le mode de l'"être-au-monde" (in der Welt sein ) mis en lumière par Heidegger dans son grand livre de 1927 (Sein und Zeit ). On peut tenter de vérifier cette intuition phénoménologique de l'espace par l'examen minutieux des altérations perceptives à l'oeuvre dans les grands groupes de psychoses (article à paraître aux Presses Universitaires de Rouen ).

Un autre aspect important de toute étude sur le phénomène de l'espace en est la transcription esthétique, dont on peut montrer l'évolution depuis les origines de l'art grec, par exemple, jusqu'à l'art moderne et contemporain, en passant par l'étape décisive du Quattrocento et l'invention de la perspective, comme procédé figuratif et représentation de la profondeur. Là encore, on mesure l'impossibilité de réduire l'espace à une conception abstraite et unique, comme le croyait Kant, dans la mesure où l'expérience de la spatialité devant être rapportée à notre fixation dans le monde, il existe une spatialité originale pour chaque modalité de cette fixation. Il y a autant d'espaces que d'expériences spatiales distinctes, et cette multiplicité d'expériences se laisse comprendre, en dernière instance, en référence à la modulation infinie des actes de notre liberté dont vit notre existence dans le monde.

Philippe Fontaine
Maître de conférences à l'Université de Rouen

 

De la perspective : esthétique et politique, par Philippe Fontaine


Conférence donnée à l'occasion d'un colloque sur Merleau-Ponty
au lycée Raymond Queneau à Yvetot


Introduction

Notre perception du monde est informée par des schèmes culturels . De la même façon, l'histoire de l'art est le reflet de l'évolution des représentations à travers lesquelles la société se pense.


René Magritte :
"Les valeurs personnelles"

Contrairement à une conviction tenace du sens commun, notre relation à la réalité n'est pas celle d'une conscience pure à un monde appréhendé dans une objectivité sans reste. Notre perception de la réalité est déjà tramée par les schèmes de notre culture de référence. Aussi l'adoption successive, dans l'histoire, de systèmes de représentation de la réalité extérieure nous renseigne-t-elle davantage sur l'évolution des conceptions du monde qui sont celles des hommes, que sur un éventuel "progrès" dans la capacité de restituer fidèlement, et dans son intégralité, un monde toujours déjà là, s'offrant docilement, et en toute transparence, à notre perception. Cette "information" de notre perception du monde se laisse particulièrement repérer sur l'exemple de la représentation picturale, au moyen de l'analyse des procédés et dispositifs que la peinture met en oeuvre, au service de son projet de signification du monde.

C'est une telle analyse que nous proposons ici, dans la perspective qui est celle de ce colloque : "Poétique" et "politique" étant pris ici dans leur sens originaire, c'est-à-dire grec, de "poéïsis" et de "politikos" : ce qui engage les rapports entre la création-production , d'une part, et, d'autre part, la communauté humaine organisée en cité, selon une finalité politique déterminant le bien-vivre ensemble. L'histoire de l'art apparaît alors rigoureusement corrélée avec l'évolution de l'idéologie, des représentations collectives à travers laquelle toute société se donne une certaine image d'elle-même, un modèle identificatoire, qui vaut pour une auto-institution imaginaire.

Philippe Fontaine,
Université de Rouen

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