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Georges Canguilhem (1904 - 1995)

présenté par François Dagognet,
Professeur Émérite de Philosophie à la Sorbonne

Ce philosophe, (normalien, agrégé) a frappé le monde des théoriciens par sa thèse de médecine (1943), Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Qu'est-ce que la santé et qu'est-ce que la maladie ? Il y défend un point de vue révolutionnaire, en ce sens que santé et maladie se conçoivent mieux à travers la notion de normativité qu'à travers celle de normalité. L'organisme réinvente son fonctionnement. Ecartons ce qui prétend l'uniformiser ou un subjectivisme excessif.

L'ouvrage suivant sur La formation du concept de réflexe aux XVIIe et XVIIIe siècles approfondira cette philosophie de la vie. La partie (le réflexe) ne saurait se passer d'un tout qu'elle exprime. Ici encore, la science a trop isolé l'un de l'autre.

Dans Idéologie et Rationalité dans l'histoire des sciences de la vie, G. Canguilhem montre comment et pourquoi toute théorie tend à s'absolutiser et à dogmatiser. La science elle-même finit par empêcher la science.

Dans ses Etudes d'histoire et de philosophie des sciences (1968), G. Canguilhem a rassemblé quelques-uns de ses articles sur Galien, Cl. Bernard, Darwin, A. Comte. Il en a renouvelé l'interprétation.

François DAGOGNET
Professeur Emérite de Philosophie à la Sorbonne
Paris, le 27 janvier 2003


Georges Canguilhem

Photo des années 1950

Georges Canguilhem
dans sa bibliothèque à Marly
Photo des années quatre vingt

Nous remercions vivement la famille de Monsieur Georges Canguilhem, et en particulier Monsieur Bernard Canguilhem, son fils, qui a bien voulu nous communiquer ces photographies, et nous autoriser à les publier gracieusement sur notre site.
Czeslaw Michalewski

Droits de reproduction réservés



LA PHILOSOPHIE DE GEORGES CANGUILHEM (1904-1995)

Tout philosophe sait l'importance de la thèse de médecine (1943) de Georges Canguilhem. Il tente d'y définir aussi bien la santé (débordante, créatrice de normes) que la maladie. Les principaux maîtres de la pathologie (de Broussais à René Leriche) ont cru à un lésionnel en quelque sorte localisable et partiel.

Le diabète, par exemple, consisterait en une hyperglycémie. L'organisme ne peut plus assurer " la constance glycémique " (il élimine le sucre). Nous serions en présence d'un dérangement d'une fonction, d'un déficit d'ailleurs chiffrable. C'est oublier que, dans cette maladie, tout le corps est concerné, remanié (pancréas, hypophyse). Le diabète ne se borne pas à un trouble ponctuel.

D'ailleurs, les chiffres ou dosages qui nous égarent ont été arrêtés, calculés au laboratoire (un milieu immuable) ; ils ne peuvent que renvoyer à une réponse stéréotypée. Le corps y a perdu sa capacité innovante.

La normativité signifie l'invention, ce qui permet à un organisme d'affronter le milieu ou de lui résister. Ne le confondons pas avec la normalité - ce qui est applicable à tous. La vitalité échappe à la facticité, à la positivité. Et être malade, c'est toujours vivre, mais dans un milieu restreint.

L'originalité de ce travail vient de ce que le philosophe, qui a chassé l'objectivisme, n'entre pas pour autant dans des considérations holistes, sinon romantiques. Il évite les deux excès.

Dans l'ouvrage sur La formation du concept de réflexe aux XVIIe et XVIIIe siècles (1955) s'épanouira cette philosophie. Georges Canguilhem y récuse quelques-uns de nos réflexes (aussi bien sur l'homme que sur la grenouille décapitée). Il nous renvoie à ceux qui les ont surpris (Willis) mais montrera surtout que la décentration médullaire (le réflexe relève principalement de la moelle) ne signifie pas l'exclusion du cerveau, au contraire. Le signe de Babinski suffit à le confirmer, puisque la modification du réflexe cutané plantaire (le pied) relève d'un trouble central.

La neurologie se veut ou se croit scientifique : elle rigidifie le réflexe (une réaction instantanée et surtout automatique) - mais n'excluons surtout pas que cette physiologie ait été inspirée par la civilisation industrielle qui met en l'honneur, particulièrement à l'usine (l'ouvrier à la chaîne) la rapidité et l'automaticité.

Georges Canguilhem a beaucoup écrit : dans La connaissance de la vie (2e éd., 1965) il a analysé, déchiffré les principales théories de la Biologie (la cellulaire, l'évolutive, la taxinomique). Il est revenu sur quelques pathologies (la thyroïdienne principalement) ; il s'est intéressé à certaines philosophie (Descartes, A. Comte, Bergson etc.).

Le dernier ouvrage - Idéologie et Rationalité dans l'histoire des sciences de la vie, 1977 - porte sur l'idéologie scientifique. On n'en sera pas surpris : la science va se mettre à entraver la science, parce que le savant est tenté d'hyperboliser sa méthode ou d'élargir ses conclusions. Le contexte social l'y encourage. Par exemple, Spencer voit dans la vie le passage du simple au complexe et au fragile (loi générale de l'évolution). La maladie mentale le vérifierait, car le malade régresse et retombe sur l'indifférencié.

Mais cette théorie (cette idéologie) donne aussi bonne conscience au colonisateur, puisque le " primitif " est tenu pour celui qui souffre de retard et a manqué à l'évolution.

Le dogmatisme, s'il peut servir la science, la dévie le plus souvent, encore que G. Canguilhem ait préféré à une connaissance molle ou souple une plus présomptueuse qui sera plus facile à réfuter ultérieurement. G. Canguilhem s'est donc attaché à mettre en lumière " les obstacles épistémologiques " (terme bachelardien) aucoeur d'une science qui y sacrifie.

Ce qu'on retiendra, c'est que - sans doute pour la première fois - le continent de la science biologique a été assumé philosophiquement. Les découvertes principales ont été redéfinies et les théories reconsidérées, afin de discerner en elles d'éventuelles généralisations indues.


François DAGOGNET
Professeur Emérite de Philosophie à la Sorbonne

Paris, le 27 janvier 2003

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